Introduction.


L'abeille est un insecte dit "hyménoptère" social qui produit du miel ou de la cire.

Il possède donc:
- 4 ailes membraneuses
- 2 antennes
-6 pattes
                                              Schéma de l'anatomie de l'abeille

On appelle la vision une fonction sensorielle par laquelle les yeux mettent l'homme ou les animaux en rapport avec le monde extérieur par l'intermédiaire de la lumière.

Il existe plusieurs milliers de races d'abeilles, chacune possédant différentes caractéristiques propre. Cependant, la vision est la même pour tous.

I) Structure de l'œil

Maquette:


J'ai commencé à réfléchir à la maquette de l'œil de l'abeille dès que ma partie fut terminée et mise en ligne sur notre blog. Pour la concevoir, j'ai acheté deux boules de polystyrène: une grande (12cm) et creuse, et une plus petite (10cm) et pleine. J'ai ensuite utilisé un mélange de peinture à l'eau marron et blanche pour peindre ma sphère de 12cm de diamètre. Puis, grâce à du papier calque sur lequel j'ai imprimé un quadrillage fait d'hexagones, j'ai réussi à couvrir un côté de cette sphère avec des hexagones réalisés au feutre. Cette dernière étape fut extrêmement laborieuse, car le calque ne me permettait que de faire des marques que je devais ensuite repasser au feutre. Ce qui produit un léger manque de régularité. J'ai ensuite procédé au découpage de la sphère pleine, et au collage d'un carton sur chacune des faces. 

Finalement, j'ai assemblé les demi-sphères pleines aux creuses par collage également. La dernière étape de cette maquette fut le dessin des ommatidies en 2D sur le carton à l'intérieur de la sphère, pour représenter la structure de ces dernières, ce qui fut également un travail très minutieux. 
Etape de la peinture à l'eau
Etape du décalquage des hexagones

 


                                                                 Maquette finale

A) Anatomie de l’œil


L'anatomie des organes visuels de l'abeille est très différente de celle de l'homme. Mais combien d'yeux possède l'abeille? La définition même de l'oeil chez l'abeille est ambigüe : elle possède 2 grands yeux composés (yeux à facettes) de chaque côté de sa tête ainsi que trois ocelles (yeux simples). Les ocelles sont disposés en triangle : 2 sont placés sur le vertex (sommet du crâne) , le 3ème sur la partie centrale du front. Leur disposition varie quelque peu suivant la caste, et la position de l'abeille par rapport au sol influence leur usage :
- Si l'abeille vole à l'horizontal : les 3 ocelles reçoivent la même luminosité. 
- Si l'abeille monte : l'ocelle la plus près du front reçoit plus de luminosité.
- Si l'abeille descend : les deux ocelles arrières reçoivent plus de lumiosité que l'ocelle frontale.
- Si l'abeille penche sur la gauche/bâbord alors, les deux ocelles au dessus de l'oeil droit reçoivent plus de luminosité et inversement.  

 
abeilles © Éric Tourneret
  Photographie des facettes d'un oeil composé d'une abeille vue au microscope (691 × 496)


Les yeux composés sont dotés d'un grand nombre d'yeux simples, appelés ommatidies. Celles-ci sont des récepteurs sensibles à la lumière, de forme conique, qui abritent en leur sein un appareil dioptrique servant à réfracter la lumière, des bâtonnets sensibles aux rayons lumineux, et des fibres nerveuses.  De plus, ce sont les ommatidies, accolées les unes des autres, qui donnent à l’œil son aspect à facettes hexagonales. A chaque angle de ces hexagones se trouve un poil ciliaire.

abeilles © Éric Tourneret
                                      Photographie d'un oeil composé d'une abeille vue au microsope

Le nombre de facettes  par oeil composé de l'abeille depend de sa caste. L’ouvrière possède 4500 facettes (lentilles) par oeil ; la reine, pour qui la vision n'est que de peu d’utilité, n’en a que 3500. Quant au mâle, il possède 7500 facettes : il est important qu'il soit capable de repérer une reine de loin, pour la féconder.

Chaque ommatidie agit comme un oeil indépendant, effectuant des processus visuels séparés. Elle capte la partie du champ visuel située juste devant, mais aucune image ne s'y forme: celle-ci est recomposée à partir des informations transmises par l'ensemble des facettes. L'ommatidie a donc un rôle de capteur d'informations uniquement.

Un objet situé dans le champ visuel de l'œil de l'abeille va diffuser des rayons lumineux dans toutes les directions et intéresse l'œil dans sa globalité. Cependant, seul le rayon se dirigeant  exactement dans l'axe du rhabdomère (axe en forme de bâtonnet au centre de l'ommatidie. Il est mis en place par les 7 cellules rétinales de l'ommatidie qui a par fonction d'optimiser le transport de la lumière) ou rhabdome, sera enregistré.

                                                              Schéma de l’œil composé de l'abeille           


Aux points A, B et C, situés dans le champ visuel, correspondent les points-images rétiniens a, b et c ; l'image qui se forme est donc droite car on retrouve le même ordre. La somme de tous ces points hexagonaux permet à l'abeille de recréer l'image de l'objet sur sa rétine.                                    

Chaque ommatidie se compose :


- d'une lentille frontale recouverte de chitine (Substance organique qui la cuirasse et protège le corps de l'insecte) et qui correspond à notre cornée.


- d'un cône cristallin transparent qui réfracte la lumière.

- de cellules réceptrices de lumière (appelées aussi cellules rétiniennes) ; les photorécepteurs sont rangés en rayons, comme des tranches autour du rhabdome.

- de cellules pigmentaires qui séparent les ommatidies les unes des autres. Elles travaillent pour que seuls les rayons lumineux se dirigeant parallèlement à l'axe de l'ommatidie atteignent les photorécepteurs  du rhabdome. Les rayons lumineux arrivant de manière oblique sont absorbés par la paroi noire des cellules pigmentaires.

- des cellules réceptrices sensibles à la couleur situées sur le rétinule (rétine multiple de l'ommatidie duquel part le nerf rétinien qui va rejoindre celui des autres ommatidies pour former le nerf optique). Ces cellules permettent une vision trichromatique chez l'abeille qui ressemble en beaucoup de points à celle de l'homme.

                                                         Representation d'une ommatidie

B) L'angle visuel et la profondeur de champ
 

Le champ visuel (la zone totale dans laquelle la perception visuelle est possible lorsque la personne regarde devant elle) de l'abeille est de quasiment 360°. Cela lui confère une vision panoramique inédite, dont les performances sont meilleures pour les mâles que pour les femelles, ceci en raison de leur besoin de s'accoupler au plus vite avec la reine.

Pour avoir une meilleure idée des performances de l'oeil de l'abeille, on peut en faire une comparaison avec celles de notre propre oeil. L'œil humain permet de distinguer des objets à une distance de presque 20 mètres, alors que l’œil à facettes d'une abeille lui permet de voir tout juste le 60ème de ce que nous voyons. L'abeille doit donc se rapprocher énormément de l'objet qu'elle observe pour le reconnaître. Car plus l'objet est loin, moins de rayons de lumière reflétée par cet objet arrivent jusqu'aux facettes de ses yeux, donc il n'est pas déchiffrable. Le fait que l’œil de l'abeille soit si complexe est un désavantage, car la précision d'une image lui est presque impossible.


                                                    Champ visuel de l'abeille de 270°

Après des calculs et de nombreuses démonstrations, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que si l'abeille avait un œil photographique (comme celui de l'homme) qui ait le même résultat qu'un œil à facettes, celui-ci serait plus lourd que la masse de l'abeille elle-même. Et inversement, si un homme possédait un œil complexe qui assure les mêmes possibilités qu'un œil humain, celui-ci mesurerait 1 mètre de diamètre.

II.) La perception des couleurs par abeille


 A.) Les conditions de la perception des couleurs

L'abeille possède un système visuel unique en son genre. Pour que l'abeille puisse percevoir une couleur, de nombreuses conditions doivent être respectées.

En effet, une abeille perçoit une couleur en fonction:
  • de la vitesse à laquelle elle vole et la raison de son déplacement
  • d'une certaine longueur d'onde
  • de sa distance par rapport à l'objet. 

La vitesse de vol:

- Si un humain passe à grande vitesse près d’un champ fleuri, l’image qu’il verra sera floue mais colorée.

- A l'inverse, si une abeille passe à la même vitesse, l’image qu'elle perçoit sera en noir et blanc. Ce n'est qu'à vitesse lente, à l'approche des fleurs que l'abeille peut distinguer les couleurs.









 
La perception d'une fleur par une abeille  à vitesse lente.              



























La perception d'une fleur par une abeille  vitesse élevée.











Ceci peut s'expliquer par le fait que l'abeille possède un petit cerveau qui ne s’encombre pas d’informations inutiles. En vol, celle-ci se préoccupe davantage d'identifier les obstacles structurant le paysage, ou de recueillir des indices d’orientation pour reconnaître son itinéraire. De même, le but du vol en lui-même a aussi une influence. Les vols allant de la colonie vers une source de nourriture sont les moments où l'abeille va monopoliser ses capacités visuelles de manière importante. Elle est en alerte pour repérer les obstacles et pour communiquer avec les autres abeilles en vol. Pour le vol dans le sens inverse, l'abeille a terminé son butinage, rentre à la ruche et pour elle les couleurs qui l'entourent n'ont plus d’importance.

Les longueurs d'ondes:


                          Schéma représentant le spectre de l’homme et de l’abeille     

                             

L'homme perçoit les longueurs d'ondes situées entre 400 et 800 nanomètres (nm) qui vont du violet au rouge. En dehors de celles-ci se situent les longueurs d'ondes Ultraviolet inférieure à 400 nm et les longueurs d'ondes infrarouge supérieur à 800 nm.

Chez l'abeille,  le spectre est décalé par rapport à celui de l'homme. Elles peuvent distinguer les longueurs d'ondes situées entre 300 et 650 (nm) mais ne voient pas le rouge. En revanche elles perçoivent les longueurs d'ondes correspondant aux ultraviolets que l'homme ne distingue pas.

La distance par rapport à l'objet:
L'abeille perçoit également les couleurs en fonction de la distance par rapport à un objet. En effet, la capacité de déchiffrage de l’œil de l'abeille est plus faible que celle de la plupart des vertébrés. Chaque ommatidie de son œil  ne saisit qu'un seul point lumineux de l'image entière. 
En 2011, grâce à la construction d'un simulateur de vol d'une abeille une équipe de bio roboticiens de l'institut des sciences du mouvement a découvert que celle-ci décrypte environ un soixantième de ce que voit l’œil humain. Cela signifie que lorsque l'abeille a dans son champ de vision deux obstacles distincts, elle ne pourra voir la couleur de ces deux objets distinctement qu'à partir de 30 cm de distance tandis que l'homme n'aura besoin que de 0.9 mm.

L’homme et l'abeille possèdent trois sortes de cellules réceptrices de la couleur de grande sensibilité dans différentes zones du spectre lumineux. Leur vision sont dites "trichromatiques".
Chez l'abeille, chaque ommatidie contient neuf cellules réceptrices : quatre sont sensibles au vert, deux au bleu et deux à l'ultraviolet (que l'homme ne perçoit pas.)
Toutefois, l'abeille n'est pas sensible au rouge. Ces huit cellules lui fournissent une image colorée de son environnement dont le rouge est absent. La 9ème cellule est sensible à la lumière polarisée mais ne participe pas à la reconnaissance des formes.
Ainsi, une orchidée ou un champ de coquelicots rouge paraîtra à une abeille comme un nuancé de plusieurs couleurs dont des longueurs d'ondes ultraviolets invisibles à l’œil humain mais visibles pour l'abeille qui pourra déchiffrer et analyser ces longueurs d'onde.

B.) La perception des ultraviolets de l'abeille
Karl Von Frisch (1886-1982) est un professeur de zoologie autrichien qui a étudié la vision des couleurs perçue par l'abeille à la suite de très nombreuses expériences conduites pendant plusieurs années.
Il est à l'origine de la découverte de la sensibilité des abeilles aux ultraviolets. Ses travaux lui ont apporté le Prix Nobel de physiologie et de médecine en 1973.


Karl Von Frisch

En effet, les fleurs qui nous paraissent uniformément colorées sont vues de façon distincte par l’œil de l'abeille.
Karl Von Frisch met au point  à Berlin en 1951 une nouvelle méthode de mesure du spectre permettant la reproduction de couleurs à l'aide de couleurs fausses.(bleu pour ultraviolet, vert pour bleu, rouge pour vert). En reproduisant l'expérience un grand nombre de fois sur plusieurs abeilles, les excitations relatives des cellules dans chaque ommatidie de l'abeille sont reproduites en prenant en compte les capacités de résolution de l'œil de l'abeille pour chaque point de l'image. Karl Von Frisch peut donc analyser le spectre de l'abeille grâce à ces données et découvre que son spectre s'étend vers le domaine des ultraviolets.

En outre, nous savons que les ultraviolets font apparaître sur les corolles (pétales de fleur) des lignes qui convergent des pétales vers le cœur de la fleur là où se trouve le nectar. Ces lignes sont uniquement visibles à la lumière ultraviolette et attirent l'abeille vers la fleur. Si une fleur  apparaît jaune à l’homme, l’abeille, elle,  selon son aspect la verra en ultraviolet, de couleurs différentes, voire multicolores.




                                                                                
Photographie d'une fleur perçu par l’œil humain à gauche puis par l'abeille a droite grâce aux ultraviolets
















III) Les formes et la vitesse des images perçus par l’abeille.



A) Les formes perçus par l'abeille.


L'abeille voit mal les formes puisqu' elle a une vision très arrondie de son environnement .

C’est la complexité de l’oeil qui lui interdit toutes possibilités de précision. En effet, si l’homme avait un oeil complexe comme celui de l’abeille, il devrait avoir 1mètre de diamètre. 


Image d'une forme découpée et d'une abeille vue par l'Homme.







Image de la même forme découpée et d'une abeille vue par une abeille.











A surface égale, elle confond :

Des formes massives entre elles

- Des formes découpées entre elles


Par contre elle fera très bien la différence entre les deux.





En réalité, l'abeille analyse la surface et la position dans l'espace d'un corps pour distinguer le caractère massif du carctère découpé d'une figure.



Cette manière d'identifier la forme d'un objet est due au fait que l'abeille ne peut pas faire pivoter ses yeux, pour diriger son regard sur quelque chose en particulier comme l'homme fait avec sa fovéa.



Ainsi, les formes étoilées évocatrices de beaucoup de formes florales sont très atrractives pour l’abeille alors qu’elle ne distingue pas un carré d’un cercle ou d’un triangle de même surface.



L'abeille est donc  dotée d'une vision dite "paramétrique", c'est à dire que l'abeille retiendrait différents paramètres/éléments d'un objet. Par exemple, le rapport entre la surface et la forme (dit fréquence spatiale) ou les angles entre les lignes complexes formées par les pétales lui permettrait de mémoriser la forme de la fleur visitée.



Fréquence spatiale =
 Nombre de lignes complexes par degré.

Soit Fs = 1/ angle entre deux lignes complexes.



Photographie des lignes complexes des pétales d'une fleur de Hyde Park.



Plusieurs expériences ont montré que l'abeille possède bien une mémoire morphoscopique (une mémoire immédiate des formes) mais que celle-ci s'exerce mieux sur les fleurs, qu'elle approche de très près et dont elle résout les lignes complexes à condition qu'ils aient une largeur angulaire d'au moins 3,5° car plus un objet est loin, moins de facettes voient l’objet et donc il est plus difficile à déchiffrer.

B) La fréquence de la vision séquentielle de l'abeille.


Lorsqu'on parle de vision séquentielle  on parle d'une suite d’images ou de scènes formant une animation/ un ensemble. 
  • Pour l'homme, une animation nécessite 24 images/seconde
  • Pour l'abeille, son œil perçoit le mouvement vers 300 images/seconde. Ainsi, en vol, même à 30Km/H, sa vision du sol reste statique, ce qui facilitera son repérage.
                                                                                  Photographie d'une tête d'abeille.

Par ailleurs, quand un objet est en mouvement dans le champ de vision d'une abeille, les ommatidies des deux yeux composés (4000-5000) sont actionnées ou éteintes, à tour de rôle selon leur position.

 Ce système opératoire fait que les insectes estiment beaucoup mieux si un objet se déplace ou s'il est immobile, et réagissent en conséquence. Pour décrypter une image, un œil complexe est plus efficace qu'un œil humain, simple.

  • Les yeux complexes d'une abeille sont donc particulièrement adaptée à:
 -  la perception d'objets volants (les autres abeilles) et le défilement du paysage.

 - constater de très faibles modifications d'une image ou d'un mouvement, en un très court instant.

  1. Le plus important chez l’abeille et les insectes est d’apercevoir à temps les objets en mouvement pour échapper aux prédateurs . Avez-vous déjà réussi à attraper une mouche du premier coup ? 







Conclusion:

       On ne peut pas vraiment dire que l'abeille voit mieux que l'homme. Elle possède les avantages qu'offre un oeil complexe, c'est-à-dire une plus grande rapidité d'analyse. Elle peut par exemple analyser instantanément si un objet est en mouvement ou pas ; une fréquence plus élevée de vision séquentielle. Cependant, elle possède également de grands désavantages avec une profondeur de champ et donc une acuité visuelle très faible.


        Reconstitution basique de la vision de l'abeille grâce au logiciel Final Cut Pro.      

      Nous savons désormais comment l'abeille perçoit son environnement et à quoi lui sert cette vision assez particulière. Cependant, nous sommes à l'heure actuelle encore incapables d'expliquer comment le cerveau de l'abeille traduit ces images, ni quelles suites en résultent. Celui-ci possédant cent fois moins de connections que le nôtre compte tenue de la petite taille des abeilles.

    L'étude de la vision de l'abeille est une grande contribution dans le domaine de l'éthologie, c'est-à-dire l'étude du comportement des animaux dans leur milieu naturel, et des sciences biologiques. Ainsi, en comprenant de mieux en mieux  le fonctionnement de notre environnement, on peut mieux l'exploiter et le conserver. Par ailleurs, on peut comparer la biologie de l'abeille à d'autres insectes et même d'autres espèces comme l'homme.