II.) La perception des couleurs par abeille
L'abeille possède un système visuel unique en son genre. Pour que l'abeille puisse percevoir une couleur, de nombreuses conditions doivent être respectées.
En effet, une abeille perçoit une couleur en fonction:
- de la vitesse à laquelle elle vole et la raison de son déplacement
- d'une certaine longueur d'onde
- de sa distance par rapport à l'objet.
La vitesse de vol:
- Si un humain passe à grande vitesse près d’un champ fleuri, l’image qu’il verra sera floue mais colorée.
- A l'inverse, si une abeille passe à la même vitesse, l’image qu'elle perçoit sera en noir et blanc. Ce n'est qu'à vitesse lente, à l'approche des fleurs que l'abeille peut distinguer les couleurs.

La perception d'une fleur par une abeille vitesse élevée.
Ceci peut s'expliquer par le fait que l'abeille possède un petit cerveau qui ne s’encombre pas d’informations inutiles. En vol, celle-ci se préoccupe davantage d'identifier les obstacles structurant le paysage, ou de recueillir des indices d’orientation pour reconnaître son itinéraire. De même, le but du vol en lui-même a aussi une influence. Les vols allant de la colonie vers une source de nourriture sont les moments où l'abeille va monopoliser ses capacités visuelles de manière importante. Elle est en alerte pour repérer les obstacles et pour communiquer avec les autres abeilles en vol. Pour le vol dans le sens inverse, l'abeille a terminé son butinage, rentre à la ruche et pour elle les couleurs qui l'entourent n'ont plus d’importance.
Les longueurs d'ondes:
Schéma représentant le spectre de l’homme et de l’abeille

L'homme perçoit les longueurs d'ondes situées entre 400 et 800 nanomètres (nm) qui vont du violet au rouge. En dehors de celles-ci se situent les longueurs d'ondes Ultraviolet inférieure à 400 nm et les longueurs d'ondes infrarouge supérieur à 800 nm.
Chez l'abeille, le spectre est décalé par rapport à celui de l'homme. Elles peuvent distinguer les longueurs d'ondes situées entre 300 et 650 (nm) mais ne voient pas le rouge. En revanche elles perçoivent les longueurs d'ondes correspondant aux ultraviolets que l'homme ne distingue pas.
La distance par rapport à l'objet:
L'abeille perçoit également les couleurs en fonction de la distance par rapport à un objet. En effet, la capacité de déchiffrage de l’œil de l'abeille est plus faible que celle de la plupart des vertébrés. Chaque ommatidie de son œil ne saisit qu'un seul point lumineux de l'image entière.
En 2011, grâce à la construction d'un simulateur de vol d'une abeille une équipe de bio roboticiens de l'institut des sciences du mouvement a découvert que celle-ci décrypte environ un soixantième de ce que voit l’œil humain. Cela signifie que lorsque l'abeille a dans son champ de vision deux obstacles distincts, elle ne pourra voir la couleur de ces deux objets distinctement qu'à partir de 30 cm de distance tandis que l'homme n'aura besoin que de 0.9 mm.
L’homme et l'abeille possèdent trois sortes de cellules réceptrices de la couleur de grande sensibilité dans différentes zones du spectre lumineux. Leur vision sont dites "trichromatiques".
Chez l'abeille, chaque ommatidie contient neuf cellules réceptrices : quatre sont sensibles au vert, deux au bleu et deux à l'ultraviolet (que l'homme ne perçoit pas.)
Toutefois, l'abeille n'est pas sensible au rouge. Ces huit cellules lui fournissent une image colorée de son environnement dont le rouge est absent. La 9ème cellule est sensible à la lumière polarisée mais ne participe pas à la reconnaissance des formes.
Ainsi, une orchidée ou un champ de coquelicots rouge paraîtra à une abeille comme un nuancé de plusieurs couleurs dont des longueurs d'ondes ultraviolets invisibles à l’œil humain mais visibles pour l'abeille qui pourra déchiffrer et analyser ces longueurs d'onde.
Karl Von Frisch (1886-1982) est un professeur de zoologie autrichien qui a étudié la vision des couleurs perçue par l'abeille à la suite de très nombreuses expériences conduites pendant plusieurs années.
Il est à l'origine de la découverte de la sensibilité des abeilles aux ultraviolets. Ses travaux lui ont apporté le Prix Nobel de physiologie et de médecine en 1973.
En effet, les fleurs qui nous paraissent uniformément colorées sont vues de façon distincte par l’œil de l'abeille.
Karl Von Frisch met au point à Berlin en 1951 une nouvelle méthode de mesure du spectre permettant la reproduction de couleurs à l'aide de couleurs fausses.(bleu pour ultraviolet, vert pour bleu, rouge pour vert). En reproduisant l'expérience un grand nombre de fois sur plusieurs abeilles, les excitations relatives des cellules dans chaque ommatidie de l'abeille sont reproduites en prenant en compte les capacités de résolution de l'œil de l'abeille pour chaque point de l'image. Karl Von Frisch peut donc analyser le spectre de l'abeille grâce à ces données et découvre que son spectre s'étend vers le domaine des ultraviolets.
En outre, nous savons que les ultraviolets font apparaître sur les corolles (pétales de fleur) des lignes qui convergent des pétales vers le cœur de la fleur là où se trouve le nectar. Ces lignes sont uniquement visibles à la lumière ultraviolette et attirent l'abeille vers la fleur. Si une fleur apparaît jaune à l’homme, l’abeille, elle, selon son aspect la verra en ultraviolet, de couleurs différentes, voire multicolores.

Photographie d'une fleur perçu par l’œil humain à gauche puis par l'abeille a droite grâce aux ultraviolets